COVID-19 ET LES DELAIS DE PROCEDURE : Une impossibilité d'agir en justice ?

En ces temps tourmentés par la propagation du COVID-19, un petit rappel sur l'impossibilité d'agir en justice s'impose pendant "cette pause imposée".
Le droit n'étant pas une matière figée, le législateur doit normalement l'adapter à l'évolution de la société. Toutefois, c'est le juge qui est en première ligne pour adapter le droit par son application à des faits concrets.
La jurisprudence intervient notamment en cas de vide législatif soit en adaptant le droit, en le complétant ou encore en créant une nouvelle règle de droit jurisprudentielle.
Il existe un principe général du droit "Contra non valentem agere non currit praescriptio" : la prescription ne court pas contre celui qui a été empêché d'agir.
Cela signifie que la prescription est suspendue lorsque le créancier est dans l'impossibilité absolue d'agir par suite d'un empêchement résultant :
-soit de la loi,
-soit de la convention,
-soit de la force majeure.
Avant la crise Covid-19 : une règle d'une interprétation souveraine par les juges.
Le chapitre III du Code civil intitulé « du cours de la prescription extinctive » comporte la section 2 « des causes de report du point de départ ou de suspension de la prescription ».
Aux termes de l'article 2234 du Code civil : "La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure"
Aux termes de l'article 2222 du même Code : « La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion
n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
N.B : La prescription et la forclusion se distinguent de la péremption. La prescription et la forclusion éteignent le droit d'agir donc de lancer la procédure, tandis que la péremption met fin au droit substantiel lorsque l'action a été lancée mais qu'aucune
diligence n'a été accomplie pendant deux ans. Il est donc autant important de surveiller les délais pour introduire une action que pour la poursuivre.
Le droit n'étant pas une matière figée, le législateur doit normalement l'adapter à l'évolution de la société. Toutefois, c'est le juge qui est en première ligne pour adapter le droit par son application à des faits concrets.
La jurisprudence intervient notamment en cas de vide législatif soit en adaptant le droit, en le complétant ou en créant une nouvelle règle de droit jurisprudentielle.
La jurisprudence visée sous l'article 2234 du Code civil est assez sévère dans la mesure où elle ajoute une condition à l'impossibilité d'agir : celle-ci doit être absolue.
Ne répond pas à ces exigences, le titulaire de l'action qui disposait encore, au moment où l'empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir (plusieurs mois) avant l'expiration du délai de prescription. Idem en absence d'amnésie post-traumatique
susceptible de constituer une impossibilité d'agir. L'interprétation souveraine ainsi faite de l'impossibilité d'agir fragilise la portée du texte, le rendant insuffisant à sécuriser juridiquement et judiciairement les procédures à lancer ou en cours avant
le contexte de crise sanitaire.
En pleine crise COVID-19 : un arsenal juridique actuel insuffisant et un projet de loi en cours d'examen (au 20/03/2020).
L'article 1er du décret n°2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus COVID-19 a été pris en application de l'article L. 3131-1 du Code de la santé publique et l'article 1er
du Code civil donc en vertu de la loi comme l'exige l'article 2234 du Code civil.