La question de l’abus de faiblesse est souvent évoquée dans le cadre des successions, car il n’est malheureusement pas rare que certaines personnes profitent d’une situation de vulnérabilité pour exercer une influence indue sur la répartition des biens. En tant qu’avocat, il est essentiel de connaître les mécanismes juridiques permettant d’identifier et de sanctionner ce type d’agissements. Cet article vous propose un tour d’horizon complet des dispositifs légaux à votre disposition, ainsi que des conseils pratiques pour agir efficacement face à l’abus de faiblesse.
Définition et éléments constitutifs de l’abus de faiblesse
L’abus de faiblesse est défini par l’article 223-15-2 du Code pénal comme « le fait, pour une personne, de profiter de la vulnérabilité manifeste ou connue d’une autre personne pour obtenir d’elle la remise ou la promesse d’une chose ». Il s’agit donc d’un délit qui suppose trois éléments constitutifs :
- La vulnérabilité : elle peut résulter de l’âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique, ou encore d’un état de sujétion psychologique ou physique. La jurisprudence admet également que certaines situations particulières (veuvage, divorce, isolement) peuvent être constitutives de vulnérabilité.
- La connaissance ou la manifestation de cette vulnérabilité : l’auteur de l’abus doit être conscient de la situation de faiblesse ou en avoir connaissance. Cette condition est généralement remplie dès lors que l’auteur a eu des contacts réguliers avec la victime et a pu constater son état.
- Le profit tiré de cette situation : l’auteur doit avoir obtenu un avantage en raison de la vulnérabilité de la victime. Cet avantage peut être matériel (donation, testament) ou immatériel (pouvoir, influence).
Les sanctions encourues en cas d’abus de faiblesse
En vertu de l’article 223-15-2 du Code pénal, l’abus de faiblesse est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Toutefois, il faut savoir que les peines peuvent être aggravées dans certaines circonstances :
- Si l’auteur est une personne ayant autorité sur la victime (ascendant, tuteur, employeur…), les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende.
- Si l’auteur est un professionnel chargé d’une mission d’assistance ou de contrôle, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.
- Si plusieurs auteurs ont agi en bande organisée, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 1 000 000 euros d’amende.
Les recours à la disposition des victimes et de leurs avocats
Si vous êtes confronté à un cas d’abus de faiblesse dans le cadre d’une succession, plusieurs actions peuvent être envisagées :
- L’action pénale : en déposant une plainte auprès du procureur de la République ou directement devant le tribunal correctionnel, vous pourrez obtenir la condamnation de l’auteur de l’abus et éventuellement des dommages-intérêts pour le préjudice subi. Il est important de rassembler les preuves de l’état de vulnérabilité (certificats médicaux, témoignages) et des agissements abusifs (actes notariés, correspondances).
- L’action civile en annulation des actes passés sous l’empire de la violence morale : les donations, testaments ou autres actes conclus sous l’influence d’une contrainte morale peuvent être annulés sur le fondement de l’article 1134 du Code civil. Cette action nécessite souvent une expertise médicale pour établir l’existence d’une sujétion psychologique.
- L’action en réduction des libéralités excessives : si les dispositions testamentaires ou les donations consenties par la victime sont manifestement disproportionnées au regard de ses facultés, il est possible de demander leur réduction sur le fondement de l’article 924-4 du Code civil. Cette action est particulièrement utile lorsque l’abus de faiblesse est difficile à prouver.
Quelques conseils pratiques pour agir efficacement
Pour défendre au mieux les intérêts de vos clients, il est important de :
- Mener une enquête approfondie sur les circonstances entourant la rédaction des actes litigieux, en vous appuyant notamment sur les témoignages des proches, du personnel soignant ou des intervenants sociaux.
- Solliciter une expertise médicale pour établir l’état de vulnérabilité de la victime et déterminer si celle-ci était en mesure de consentir librement aux actes passés.
- Veiller à engager les actions dans les délais requis, sachant que le délai de prescription pour l’action pénale est de six ans à compter du jour où l’infraction a été commise (article 8 du Code de procédure pénale) et que le délai pour agir en annulation ou réduction d’une libéralité est de cinq ans à compter du décès du donateur ou testateur (article 1304 du Code civil).
Ainsi, face à un abus de faiblesse dans le cadre d’une succession, il convient d’adopter une stratégie adaptée aux spécificités du dossier et aux preuves disponibles. En tant qu’avocat, votre rôle sera d’éclairer vos clients sur les différentes voies de recours possibles et de les accompagner tout au long des démarches judiciaires.